L’éducation positive en débat : Isabelle Filliozat, qui défend cette approche, s’appuie-t-elle vraiment sur la science ?

Les chercheurs interrogés regrettent des «surinterprétations», voire quelques «neurofoutaises» dans les affirmations de la papesse française de l’éducation positive, qui assure s’appuyer sur la science. Mais ils reconnaissent l’intérêt, sur le fond, de certains propos de la psychothérapeute. (2/3)

Alors qu’un débat passionné sur l’éducation positive s’installe, Libération pèse les arguments scientifiques des opposants et partisans de cette approche. Nous avons soumis à des chercheurs ceux de la psychothérapeute Isabelle Filliozat, qui préfère «fournir aux enfants des ressources plutôt que des limites». Et ceux de la psy Caroline Goldman, qui , à l’inverse, veut rétablir «des limites éducatives». Et au-delà des clivages, que disent les chercheurs ?

Des dizaines d’interviews ces dernières semaines pour le Monde, le Point ou la Vie, un projet de formation d’ampleur à Marseille pour les acteurs publics, mais aussi des tribunes qui la soutiennent dans de grands médias. Et en réponse, des détracteurs qui dénoncent sa vision «laxiste» de l’éducation. Le tout, en plus de ses nombreux livres sur le sujet, qui sont à chaque fois des cartons d’édition : depuis plusieurs années, et encore plus en 2023, Isabelle Filliozat est au cœur du débat sur l’éducation positive, qui suscite passions et rejets d’intensité égale.

Selon cette psychothérapeute, «les recettes éducatives d’hier», répressives, «ne sont pas adaptées». Plutôt qu’à punir, elle s’attache à développer le «quotient émotionnel», miser sur «l’intelligence du cœur». En bref : «Fournir aux enfants des ressources plutôt que des limites.» Avec en ligne de mire «la confiance en soi, l’autonomie et l’aisance relationnelle», comme elle le développe dans Au cœur des émotions de l’enfant, qui s’est écoulé à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires.

Quand vous entendez par exemple des parents s’évertuer à dire «stop» à leur enfant dans un parc de jeux, car ils s’interdisent de dire «non», c’est à elle que vous le devez : «Si vous dites «non» brutalement à un enfant de 2 ans ou à un adolescent, vous risquez de déclencher une crise. Ça n’est pas la peine. Si, à la place, vous dites «stop», vous avez un gamin qui vous écoute.»

Parmi les axes forts de sa pensée, la psychothérapeute insiste également beaucoup sur l’importance de «respecter la colère d’un enfant». Car chez Isabelle Filliozat, «il n’y a de caprice que dans l’idée de l’adulte». Lors d’une crise où l’enfant n’obtient pas ce qu’il veut, elle voit plutôt une «tempête émotionnelle», en raison d’une «immaturité de la zone préfrontale du cerveau». Dès lors, plutôt que de le punir ou le réprimander, ce qui serait contre-productif, elle conseille de le «prendre dans les bras», voire d’accéder à sa demande : «La réponse par le contact physique, le câlin, la satisfaction du besoin, est fondamentale. […] Il arrive que la rage de l’enfant nous permette de mesurer à quel point il a envie ou besoin de ce qu’il demande. Nous pouvons, en fonction de cette nouvelle donne, réviser une décision et lui donner ce que nous avions refusé en premier lieu. N’ayons pas peur de paraître inconséquent. Là encore, à condition que cela ne soit pas systématique, l’enfant n’y voit qu’attention prêtée à ses besoins.»

«Cette mère qui devrait le secourir, le protéger, ne le fait pas»

De nombreux parents y voient donc une approche novatrice, centrée sur les besoins de l’enfant. Quand ses détracteurs la dépeignent comme une chantre du laisser-faire. A ceux qui l’accusent de prôner une éducation laxiste, elle répond qu’elle n’exclut pas la nécessité d’un cadre, et insiste dans ses livres sur le fait que «la frustration est nécessaire et aide à grandir».

Pour d’autres, l’approche rappelle surtout le bon vieux développement personnel (une autre spécialité d’Isabelle Filliozat, qui y consacre de nombreux livres), centré uniquement sur l’individu. Au point de culpabiliser les mères, qui devraient se mettre en quatre pour ne pas irrémédiablement entraver le développement de leur enfant ? C’est notamment ce que pointe la journaliste scientifique Béatrice Kammerer, autrice de l’Education vraiment positive.

A la question «doit-on accourir au moindre pleur ?» Isabelle Filliozat semble ainsi répondre par l’affirmative : «Quand vous multipliez par deux le temps d’intervention, vous multipliez par dix la durée des pleurs de l’enfant. […] Que se passe-t-il pour le nourrisson si personne ne vient alors qu’il pleure ? […] Il est totalement douleur. Il ne peut se dire que sa maman va venir “tout à l’heure” quand elle aura fini de faire la vaisselle, de téléphoner, de s’occuper d’autre chose. Il est mal… Personne ne vient. Cette mère qui devrait le secourir, le protéger, ne le fait pas.»

«Passionnée de neurosciences»

Pour justifier ses approches et ses nouvelles méthodes éducatives, cette «passionnée de neurosciences» adopte souvent un vocabulaire très technique, savant, comme lorsqu’elle évoque les «couches néocorticales» du cerveau, ses ondes alpha, ou «la chute du taux de peptides opioïdes» que provoquerait l’extinction du poste de télévision. Et elle avance régulièrement que ce qu’elle écrit a été prouvé par des études scientifiques.

Alors, Isabelle Filliozat et son éducation positive sont-elles inattaquables car fondées et démontrées scientifiquement ? Il n’est pas aisé de l’affirmer. Si Isabelle Filliozat se réfère souvent à la science, elle ne cite que très rarement des articles scientifiques précis. Même dans ses livres, les bibliographies listent plutôt d’autres essais que des études de revues reconnues. Interrogée sur ses sources par CheckNews, Isabelle Filliozat les livre toutefois volontiers. Elle indique par exemple s’appuyer sur de grands noms de la médecine, comme le neurobiologiste Henri Laborit, le médecin spécialiste du stress Hans Selye, ou encore les «travaux de Martin Teicher d’Harvard qui est le grand spécialiste des conséquences de la maltraitance».

Reste à savoir si l’interprétation qu’en fait Isabelle Filliozat est fidèle à la littérature scientifique. Nous avons donc interrogé des chercheurs spécialisés dans les questions liées à la psychologie et au développement de l’enfant, ou des neurosciences, à la fois sur la philosophie défendue par la psychothérapeute mais aussi et surtout sur ses affirmations les plus marquantes. Résultat : si la psy s’appuie bien sur des études, elle a tendance à «surinterpréter» ou «exagérer» certains résultats.

Une «caricature»

«Si une tempête émotionnelle sévit dans le cerveau droit [de votre enfant], inutile d’appeler l’enfant à la raison ! écrit par exemple Isabelle Filliozat dans la préface du livre le Cerveau de votre enfant, paru en 2015. En visualisant la tempête dans le cerveau droit et le désert dans le cerveau gauche, je vois tout de suite ce que j’ai à faire en tant que parent ! Ce n’est pas du tout le moment de lui enseigner quoi que ce soit (sous peine de parler dans le désert). Il nous faut tout d’abord aider l’enfant à calmer son cerveau et le rendre réceptif. Comment ? En se connectant avec tendresse à ses émotions.»

Pour Franck Ramus, chercheur en sciences cognitives et directeur de recherche au CNRS, il est exact de dire que «les émotions négatives ne sont pas propices aux apprentissages». Pour autant, «tout ce discours sur le cerveau droit et le cerveau gauche est une caricature de neurosciences réfutée depuis longtemps et rangée au rayon des neuromythes». Auprès de CheckNews, Isabelle Filliozat le reconnaît d’ailleurs volontiers : «Je ne parle plus de cerveau gauche et droit [aujourd’hui], les choses sont plus complexes que cela. A l’époque, tout le monde utilisait ces expressions. Mais sur ça, comme sur le reste, si l’on me dit que je me trompe, je suis ravie de corriger. Et de changer d’avis si besoin.»

Idem quand elle assure que «l’imagerie cérébrale nous montre que donner un ordre à un enfant stimule son amygdale et déclenche un état défensif. Un ordre le fait entrer en mode guerrier. La réaction de stress est la même que celle de nos ancêtres devant les dangers qui les assaillaient». Pour le chercheur, effectivement, «les ordres ne sont pas de bons antécédents qui favorisent l’obéissance» : «Si on veut obtenir quelque chose d’un enfant, mieux vaut lui demander calmement et poliment, en disant “s’il te plaît”, et en lui laissant un choix.» Pour autant, tout le reste de sa démonstration sur nos ancêtres «est exagération et neurofoutaise».

Au passage, pour le psychologue clinicien et docteur en psychologie du développement Frédérick Russet, «donner un ordre n’est pas en soi un mauvais traitement» car «tout dépend du contexte et de la relation avec l’enfant». Ce chercheur, qui a recours à des programmes d’éducation positive pour accompagner des parents au CHU de Montpellier, cite à l’appui une étude menée par deux chercheurs américains en psychologie, Anne Gregory et Michael Ripski. Qui concluait que «sur la base d’une relation non seulement positive mais surtout de confiance, l’acte d’autorité ne vient rien fragiliser ou remettre en question».

Une tendance à la surinterprétation que l’on retrouve quand la psychothérapeute assure que «nous savons aujourd’hui que les traumas de l’enfance altèrent le développement du cerveau. Diminution du volume du cortex préfrontal, du corps calleux et du cervelet, diminution de la taille de l’hippocampe, baisse de récepteurs à ocytocine et dopamine, et hyperactivité de l’amygdale…» Là encore, «il est vrai que les traumas de l’enfance modifient le développement du cerveau, note Franck Ramus. Mais c’est vrai de toutes les expériences que nous vivons, et à tout âge ! Par ailleurs, cette liste de régions cérébrales donne une illusion de précision et de certitude qui n’est pas du tout en rapport avec la fiabilité des résultats de neuroimagerie».

Des données pas toujours recueillies chez l’homme

Pour Grégoire Borst, professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l’éducation, un développement d’Isabelle Filliozat en particulier est un bon exemple des problèmes que posent certains de ses propos. Dans son best-seller J’ai tout essayé, l’autrice assure ainsi que «regarder la télévision met le cerveau en ondes alpha, l’enfant se sent détendu. […] Il éprouve du plaisir à regarder. Son cerveau sécrète des opioïdes. Lorsque vous éteignez le poste de télévision, le taux de peptides opioïdes chute brutalement et active les centres de la douleur. D’où la crise».

«Le fait que des ondes alpha émergent veut simplement dire que l’enfant est détendu, explique le chercheur. Mais tout dépend de ce à quoi il est exposé. S’il est devant un film qui lui fait peur, tout ce qui est décrit ne tient plus. Donc c’est bien le contenu qui explique la réaction de l’enfant et l’activité cérébrale associée. Pour les neurotransmetteurs, cela ne relève pas d’une étude chez l’enfant mais de modèles animaux qui ne sont pas exposés à la télévision.»

Et ce ne serait pas un cas isolé, selon Grégoire Borst : «Elle a tendance à se baser sur des données qui n’ont pas été recueillies chez l’homme, parce qu’on n’a pas la technologie pour le faire.» Certaines techniques d’études du cerveau ne peuvent en effet être réalisées qu’en injectant des substances potentiellement dangereuses pour le cerveau, et ne sont donc (évidemment) pas réalisables sur des humains, a fortiori des enfants. Ces données sont donc souvent recueillies chez le rongeur, et Isabelle Filliozat en tire des enseignements chez l’homme sans la prudence et la distance qui seraient de rigueur. «Même quand ce sont des études sur l’homme, elle va extrapoler les résultats. Par exemple, on a des études qui ont démontré que chez des adolescents qu’on traite de façon injuste, ce sont des zones du cerveau liées à la douleur physique qui sont activées. Ce qui est intéressant. Mais de là à dire que ça abîme le cerveau, en aucun cas.»

«De la simplification extrême»

Même constat pour Franck Ramus : certaines références scientifiques de la psychothérapeute «peuvent être vraies, ou sont basées sur un résultat vrai, mais elle les exagère souvent. Et par ailleurs elle enrobe des considérations (souvent banales) d’une surcouche de neurodiscours qui donne une apparence de solidité et de crédibilité. Mais c’est au mieux de la simplification extrême, au pire n’importe quoi». Comme il l’explique sur son blog, «les données des neurosciences», dont la psychothérapeute raffole tant, se placent en effet surtout «à un niveau de description du cerveau». Ces études ne disent donc pas, à elles seules, s’il faut dire «stop» plutôt que «non» à un enfant.

«Elle avance des données scientifiques… en les sortant de leur contexte, abonde Anne Bobin-Bègue, maîtresse de conférences en psychologie du développement à l’université Paris-Nanterre. Dans nos labos, on est très attentif au contexte social, physique de l’enfant.» La chercheuse reproche notamment à Isabelle Filliozat de «faire croire qu’il n’y a qu’une seule méthode qui marche pour tout le monde, tout le temps, partout», au nom de la science. «Quand on fait de la recherche, on sait que c’est faux. Que tout dépend de l’âge des enfants, de la disponibilité des parents, de leurs conditions sociales et économiques, de l’entourage, etc.»

Car au-delà des parents, la question de l’entourage est loin d’être neutre : «Il est par exemple établi que chez des personnes exposées très jeunes à de la violence physique, il y a des conséquences sur la connectivité entre différentes zones du cerveau, qui peut conduire à des difficultés de régulation des émotions, explique Grégoire Borst. Mais on sait aussi que si l’enfant bénéficie d’un tissu social de suffisamment bonne qualité, cela suffit à compenser cet effet négatif, au point qu’on ne voit plus ces modifications. Et on parle de violences physiques avérées.» On peut donc imaginer que dans le cas de «violences éducatives ordinaires» telles que décrites par Isabelle Filliozat, infiniment moins graves que des violences physiques, il est aventureux de postuler des dommages irréversibles du cerveau, comme peut parfois le suggérer la psychothérapeute.

«Laisser pleurer» ?

Cet angle mort du contexte se retrouve dans les conseils prodigués : sur le fait de devoir «accourir au moindre pleur», Isabelle Filliozat aborde peu, par exemple, le fait qu’une mère célibataire, sans aide extérieure et devant s’occuper de ses autres enfants, n’est pas forcément en mesure de le faire. Même si elle note dans un de ses livres qu’élever «un enfant seule (ce sont massivement les femmes qui assument les enfants dans les familles monoparentales) est très dur», et qu’il «serait bon de repenser le tissu social pour rompre l’isolement de ces mères».

Notons qu’il est effectivement aujourd’hui admis par la quasi-totalité des professionnels qu’il n’y a aucun besoin de «laisser pleurer» un nouveau-né ou de ne pas «trop le prendre dans ses bras» pour éviter qu’il soit trop attaché à ses parents (comme le veut une croyance populaire tenace). Mais au-delà de la culpabilisation que peut amener la formulation de Filliozat, son conseil est moins valable si l’on s’intéresse à des bébés un peu plus grands. Car par exemple, «un jeune enfant qui pleure un peu parce qu’il cherche son sommeil, c’est tout à fait normal», rappelle Frédérick Russet. «A condition d’être sûr que l’enfant n’a pas mal ou faim par exemple, on peut différer progressivement le fait de venir, pour que l’enfant trouve ses stratégies, petit à petit, pour s’endormir seul», détaille le psychologue, qui a recours à des programmes d’éducation positive pour accompagner des parents au CHU de Montpellier. Interrogé par l’Express, le maître de conférences à l’université Paris-VIII Thomas Villemonteix confirme qu’une étude publiée en 2020 dans le Journal of Child Psychology and Psychiatry indique que «les épisodes de pleurs diminuaient effectivement plus chez les bébés qu’on laissait sangloter de temps en temps, et aucun effet négatif ne s’y trouvait associé». Il reste toutefois prudent sur les conclusions qu’on peut en tirer en raison du peu de données complémentaires dont on dispose.

«Les enfants comprennent assez rapidement l’interdiction»

Même problème sur l’un des conseils de Filliozat qui a le plus infusé chez les parents : il ne faudrait pas employer la négation avec les jeunes enfants, car les plus petits ne la comprennent pas. En d’autres termes, il faudrait dire «on marche» plutôt que «on ne court pas» pour se faire entendre. Mais il s’agit là aussi d’une simplification, voire d’études mal interprétées par Isabelle Filliozat.

Un article publié sur le site du gouvernement du Québec revenait d’ailleurs sur cette «rumeur» popularisée par la psychothérapeute : «Les phrases négatives semblent effectivement plus difficiles à comprendre», admet l’article. Mais uniquement les phrases «complexes d’un point de vue syntaxique et [qui] nécessitent un certain niveau d’abstraction pour être comprises», selon les études scientifiques menées sur le sujet. «Ce n’est pas le cas de toutes les phrases négatives. Par exemple, un rejet ou une interdiction peut se faire en quelques mots : “Ne touche pas.”» La recherche démontre ainsi «que les enfants comprennent assez rapidement l’interdiction et la non-existence», notamment quand le contexte s’y prête, et qu’ils peuvent «utiliser la négation» dès l’âge de 12 mois pour les exprimer.

Une «culpabilisation des parents»

«Elle est dans une dramatisation des résultats [d’études scientifiques], résume Grégoire Borst. Et donc une moralisation, voire une culpabilisation, des parents.» «Ce genre de livres, de méthodes, rajoutent des injonctions sociales. On doit se positionner, on doit choisir son camp : Isabelle Filliozat ou Caroline Goldman, estime également Anne Bobin-Bègue, en référence à cette psychanalyste anti-éducation positive. Ça n’aide personne, parce que ça ne marche pas. Ça met en échec des parents, donc ça met en difficulté des enfants.»

En réponse à cette critique, Isabelle Filliozat renvoie à son adage, «il n’y a pas de parent parfait», titre d’un de ses livres : «Non seulement chercher à être parfait est une mauvaise idée parce que ça nous met la pression sans répondre aux besoins de l’enfant, mais être tout le temps synchro avec son enfant, en empathie, ne lui permet pas de grandir. 30 % du temps ça suffit ! C’est [le psychologue du développement] Edward Tronick qui le dit… La science déstresse les parents !» Mais, dans le même temps, elle assume : «Oui, les parents sont bien au service des enfants vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il est de leur responsabilité de les protéger et de faire respecter leurs droits vingt-quatre heures sur vingt-quatre. En Norvège, il est inscrit dans un petit livret destiné aux parents que les droits de l’enfant passent avant le confort des parents.»

«Le fond de son propos est intéressant»

Tous les chercheurs interrogés s’accordent sur le fait que tout n’est pas à jeter dans le discours d’Isabelle Filliozat. Au contraire. Ils reconnaissant par exemple le rôle positif qu’elle a eu dans la réflexion sur ce qui peut constituer une violence envers un enfant. Ou sur la prise en compte de ses émotions.

«Le fond de son propos est intéressant, notamment sur l’émotion, et comment elle submerge l’enfant, note ainsi Frédérick Russet. Cela permet de rappeler que le développement émotionnel de l’enfant nécessite l’accompagnement de l’adulte. Sur le mode “Tu as le droit d’être en colère, mais tu ne peux pas le manifester comme ça”» pour un enfant qui taperait quelqu’un par exemple, détaille le chercheur. Et ce n’est pas céder que de dire ça.»

Un docteur plus que controversé

Si l’on sort du domaine de la parentalité, certaines affirmations d’Isabelle Filliozat sont bien plus contestées. C’est le cas notamment de ses prises de position sur l’origine de certaines maladies. En 2018, interrogée sur son livre le Corps messager, la psychothérapeute saluait par exemple «les travaux» de Ryke Geerd Hamer, «qui ont fait avancer les choses sur le sens de la maladie», dans une revue qui défend les idées de cet ancien médecin allemand. Problème : ce dernier a été condamné, des années plus tôt, à de la prison ferme pour escroquerie et exercice illégal de la médecine, après la mort de nombreux malades qu’il suivait. Il affirmait, entre autres choses, que «tout cancer résulte d’un choc psychique extrêmement brutal» sans apporter d’élément scientifique à l’appui. Et avait constitué autour de lui un mouvement accusé de dérives sectaires, jusqu’à sa mort en 2017.

«Je n’ai jamais apprécié son travail, tient à préciser aujourd’hui Isabelle Filliozat. Je voulais seulement dire [à NéoSanté] que j’avais connaissance de ses travaux. Je me suis toujours méfié, et je l’ai écrit, de sa façon d’attribuer un sens aux maladies en fonction de la zone du corps touchée : cela n’a rien de scientifique. Et ce qui m’importe c’est l’esprit scientifique : même si je ne suis pas une chercheuse, je veux mieux comprendre, j’explore tout, je n’ai pas de croyance absolue.» Quand certains lui reprochent son intérêt pour les thérapies non conventionnelles, qui n’ont pas fait l’objet d’études scientifiques et dont l’efficacité n’est pas démontrée, elle s’en amuse : «Moi, l’homéopathie, je n’y crois pas. Mais parfois, je l’utilise…»

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Pub: 25 Aug 2023 09:27 UTC
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